Vallérie de Bykowska a emprunté plusieurs voies avant de devenir céramiste ©photo J. M
[Grand Format] Installée depuis avril 2018 à La Bastide-Clairence, la céramiste Vallérie de Bykowska crée des contenants qui ont retenu l'attention de cuisiniers et toques étoilées de Nouvelle-Aquitaine
En résonance avec sa voix douce et apaisante, une ambiance d'une grande sérénité se dégage de l'atelier de céramique de Vallérie de Bykowska. À peine quinquagénaire, elle s'est installée en avril dernier au rez-de-chaussée de la grange Darrieux, au coeur du village de La Bastide-Clairence. Pots, vases, assiettes, coupes, bijoux de toutes tailles et de toutes formes naissent entre les mains de l'artiste à « l'identité bousculée», comme elle se définit.
Outre ses créations accessibles à tous, Vallérie de Bykowska collabore depuis quelque temps avec des chefs cuisiniers de Nouvelle-Aquitaine pour qui elle réalise des pièces de vaisselle sur-mesure.« J'ai toujours pensé qu'il devait y avoir une cohérence dans les repas, entre le contenu et le contenant, détaille-t-elle. Chaque convive est unique, or, dans les arts de la table, il y a une uniformité qui me semble ahurissante. La gastronomie française est classée au patrimoine immatériel de l'Unesco et pourtant il y a un côté insipide du contenant. Tous les restaurants ont les mêmes services. »
Vallérie de Bykowska a installé son atelier-boutique à La Bastide-Clairence ©photo J. M
Avant de modeler des pièces uniques pour les toques de la région, Vallérie de Bykowska a eu plusieurs vies. Des études de langues orientales - et plus particulièrement de japonais- la conduisent à travailler pour de grandes sociétés ou l'ambassade du Japon. En 1995, elle s'envole pour le Pays du soleil levant. Elle y découvre une autre contrée, loin des clichés et du cocon protecteur des expatriés.
Premiers contenants
Cinq ans plus tard, elle rentre en France et s'installe à Bordeaux où elle exerce en tant que professeur de japonais. En 2007, elle arrête l'enseignement pour ouvrir une boutique de fleurs et de peintures sur le bassin d'Arcachon.
Si l'art a toujours été présent dans sa vie sous diverses formes, la céramique commence à prendre sens au milieu de ses compositions florales. « Je me suis rapprochée du potier et sculpteur Jean-François Bourlard, narre-t-elle. Il a senti qu'il fallait que je m'y mette. Il m'a poussée à faire des contenants.»
Les créations de la céramiste doivent répondre à des contraintes d'hygiène précises ©photo V. D. B.
En 2012, l'activité de céramiste devient concrète pour Vallérie de Bykowska dont le chemin de vie est façonné par les rencontres. L'univers de la gastronomie vient à elle par le biais du chef Patrice Lubet et Jean Coussau. Puis, c'est l'étoilé bordelais Vivien Durand qui se laisse tenter par ses contenants peu ordinaires. Comme cette assiette double face, née d'un souvenir d'enfance du chef, chez qui on retournait sa grande assiette pour en faire une assiette à dessert.
« En général, je leur propose du grès, déroule Vallérie de Bykowska. J'adore son côté rustique. On peut inclure du grès réfractaire dans les pièces, cela garde la vaisselle chaude, par exemple.» Il faut aussi penser calibrage et résistance au lave-vaisselle.
Un lien entre la vie du chef et son travail
Mais au-delà des caractéristiques techniques, un autre paramètre, plus sensible et invisible, nourrit son travail de céramiste. «J'aime me déplacer chez le restaurateur, dans son ambiance, pour observer les lieux.» Ainsi, elle n'hésite pas à matérialiser le lien entre le travail du chef et sa vie personnelle. Pour Benjamin Toursel, cuisinier à Moirax, dans le Lot-et-Garonne, de la terre locale a été introduite lors de la fabrication de sa vaisselle. Pour le Luzien Fabrice Idiart, l'artiste a opté pour des inclusions de sable de la plage d'Erromardie dans les pièces commandées.
Vallérie de Bykowska a une préférence pour le grès ©photo V. D. B.
À sa manière, Vallérie de Bykowska apporte une touche de poésie supplémentaire à des créations gastronomiques qui, aujourd'hui, doivent éblouir visuellement et gustativement. «Une des denrées de mon travail, c'est le temps. Prendre le temps. Les chefs sont dans une autre chronologie que la nôtre. Elle est marquée par la fraîcheur des produits, le rythme des services, le coup de feu, etc. S'il n'y a pas quelqu'un pour leur apporter un apaisement, un autre équilibre, qui va le faire ?», interroge-t-elle au milieu de son atelier de pierres apparentes, entre les pinceaux, les pièces achevées et celles en devenir.
Carte blanche pour ses créations
Les lignes originales de ses plats ont été mises en lumière par le photographe Claude Prigent, à l'occasion de la réalisation du livre « Foie gras Sud-Ouest » des Afamés. Aujourd'hui, le chef Clément Guillemot, qui s'apprête à ouvrir un restaurant, au printemps prochain, à Espelette, avec sa compagne Flora Le Pape, mise sur ses futurs plats de grés. « Nous avons découvert son univers par l'intermédiaire de Vivien Durand. Nous avons beaucoup aimé ce qu'elle fait et le personnage aussi, confie le cuisinier actuellement aux côtés de Cédric Béchade. Nous lui avons donné carte blanche pour créer des choses esthétiques et fonctionnelles, qui répondent à des normes sanitaires précises. On cherchait du local, dans la logique de notre démarche, et Vallérie a une vision et une expérience intéressantes.»
« La céramique, c'est l'art au quotidien» résume l'artiste ©photo J. M
Après une parenthèse en Béarn, de 2013 à début 2018, où l'artiste voulait mettre en place une plateforme de compétences des métiers des arts de la table qui n'a pas abouti, Vallérie de Bykowska « vit le collectif » qu'elle recherchait à La Bastide-Clairence. « La céramique, contrairement à la peinture, c'est ce support qui va au-delà de l'art. C'est l'art au quotidien.» Et quand le plaisir des yeux rejoint celui du goût, le voyage des sens n'en est que plus plaisant.
Vallérie de Bykowska participe au 24e marché céramique Pays basque, les 15 et 16 septembre prochain à La Bastide-Clairence.