Vincent Vallée travaille toujours chez Thierry Bamas, à Anglet. Il réalise actuellement les futures
créations de Noël. © photo J.M.
Vincent Vallée est devenu, il y a un an, le premier Français à remporter le titre de Meilleur chocolatier au monde lors de la finale des World chocolate masters, à l'occasion du Salon du chocolat, à Paris. Retour sur une première année, déjà bien remplie, pour le Basque d'adoption
Le Salon du chocolat aura lieu du 28 octobre au 1er novembre, à la Porte de Versailles, à Paris. Il y a un an, à l’occasion de ce rendez-vous incontournable des cacaophiles, Vincent Vallée était sacré Meilleur chocolatier au monde lors de la finale des World chocolate masters. À 27 ans, il est devenu le premier Français à remporter ce titre d’excellence.
Douze mois plus tard, ce natif de Vendée travaille toujours chez le Meilleur ouvrier de France (MOF) Thierry Bamas, à Anglet, mais jongle désormais entre invitations, projets personnels et master class aux quatre coins du monde. Rencontre avec un chocolatier dont l’agenda est déjà rempli jusqu’en février 2018.
Quel souvenir gardez-vous de ces trois jours de compétition à Paris ?
Je n'avais jamais fait de concours. Je m'étais entraîné d’abord pour que tout sorte bien pendant les trois jours, c’est-à-dire que ni la grosse, ni la petite pièce ne cassent, que les dégustations soient comme il faut. Je disais à monsieur Bamas que si déjà je réussissais ça, ce serait pas mal pour ne pas avoir de regrets ou de remords. Quand on est le candidat français, on a un sacré poids sur les épaules dans notre profession.
En face de moi, j’avais l’Italien qui avait fait du super bon travail. C’est difficile de savoir où l’on se situe, on n’est pas le jury. Séduire 22 jurés internationaux, ce n'est pas simple, mais j’ai tout fait pour (sourire). J'ai surtout le souvenir d’une délivrance après deux années de souffrances et de sacrifices. Puis d'être heureux après l'annonce des résultats. Je me suis dit : "Voilà, tes deux ans à ne pas avoir de week-ends, de vacances, à rester jusqu’à 1 heure ou 2 heures du matin après le travail à la pâtisserie, quelque part ça a payé."
Il y a un an, Vincent Vallée devenait le premier Français sacré Meilleur chocolatier au monde © Cacao Barry
C'était un honneur de décrocher ce titre de Meilleur chocolatier au monde ?
C’est le seul concours international de chocolatier de ce type, avec des sélections régionales, nationales et une finale mondiale. Ce concours a 12 ans. Aucun Français ne l’avait remporté, je suis le premier. C’est une fierté pour moi, pour la profession. L’an dernier, il n’y avait eu aucun MOF chocolatier. J’ai reçu de belles lettres, de grands chocolatiers, dont Fabrice Gillotte (MOF chocolatier, NDLR) qui m’ont envoyé des félicitations.
Que vous a apporté ce concours dans votre pratique de chocolatier ?
Ça m’a fait énormément progresser. J’ai dû me creuser la tête, trouver de nouvelles techniques. À force de s’entraîner pendant deux ans, la technique vient. Au quotidien, ça m'a apporté exigence et rigueur.
Qu’est-ce qui a changé dans votre vie depuis ce titre ?
Je ne pensais pas que ça allait changer autant de choses dans ma vie en général. Ça met un nom sur un visage. Notre milieu est quand même petit . Depuis que j'ai gagné ce concours, des personnalités comme Pierre Hermé, Philippe Conticini ou Christophe Michalak “likent” mes publications sur Instagram. J'ai ouvert ce compte juste après ma victoire et j’ai aujourd’hui 38 000 abonnés. Ce concours a une sacrée portée, notamment à l’international.
J’ai également été invité dans pas mal d’écoles. La semaine dernière, j'étais à Singapour où j’animais une master class. En novembre, je pars à Las Vegas, dans une école aussi, en mai à Chicago, en juillet- août à Shangaï, puis au Japon, ensuite en octobre Singapour puis Moscou début 2018. En novembre, je suis président du Salon du chocolat à Vannes, un sacré salon avec beaucoup de professionnels réputés pendant trois jours. Je suis aussi invité pour être juré dans différents concours. On passe vraiment dans un autre monde. Sans gagner ce concours, je n’aurais jamais pu faire cela.
La pâtisserie du jour de Vincent Vallée, créée pour le World chocolate masters, a été présentée chez Harrods à Londres © Cacao Barry
Grâce à votre victoire, une de vos pâtisseries créée pour le World chocolate masters a été vendue chez Harrods à Londres. Comment a-t-elle été accueillie ?
Je suis parti en février chez Harrods pour refaire ma pâtisserie du jour (1). Pas exactement celle du concours parce que les contraintes ne sont pas les mêmes pour la boutique, mais le goût était semblable. J’ai également remonté une petite pièce dans l’esprit du concours. Aujourd’hui encore, ils vendent toujours la pâtisserie du jour là-bas, mais pas avec le même visuel.
Vous avez également pu vous rendre en Tanzanie. Quelles étaient vos impressions ?
En mars-avril, je me suis rendu une semaine là-bas avec des coopératives qui travaillent pour Cacao Barry. On nous a amenés en 4x4, au coeur des plantations, pour cueillir la cabosse, la couper en deux, voir le mucilage, la maturation, le séchage, etc. Pour mieux encore parler du chocolat aujourd’hui, je suis heureux d’avoir fait ce voyage. C’est essentiel pour un chocolatier d’aller voir sur place, mais aussi de constater la misère qu’il y a là-bas malgré les pépites d’or qu’ils ont dans les mains. Ce qui est surprenant, c’est qu’ils font ce travail autour du cacao, mais qu'ils n’ont aucune idée de ce à quoi il est destiné. Quand on leur a ramené du chocolat, ils étaient heureux de voir ce qu’on faisait avec leur travail.
Un an après avoir décroché votre titre, est-ce que vous songez à vous installer ?
Oui, je réfléchis à des projets futurs d’installations, mais pour l’instant je continue à travailler chez Thierry Bamas. J’ai gagné le concours, mais c’est important aussi quand on anime les master class que les gens aient des repères. Ici, je suis responsable de laboratoire pour le chocolat. On peut voir mes créations chez monsieur Bamas. De toute façon, mon titre je le garde à vie. Quelqu’un me succédera dans deux ans. Un Français ou pas. J'aimerais profiter de ces trois années pour m’installer.
Les bonbons de chocolat originaux, comme ceux qu'il réalise chez Thierry Bamas, seront la signature du chocolatier Vincent Vallée © photo J.M.
Quelle sera votre signature en tant que chocolatier ?
Pour moi, ce serait les bonbons. Je parle des bonbons moulés, pas les bonbons traditions cadrés qu’on passe dans une enrobeuse. Plutôt les demi-sphères. Ma particularité, c’est que je vais penser à un décor et ensuite à une composition à l’intérieur. Par exemple, dernièrement, j’ai voulu faire un moucheté orange avec du blanc. Je me suis dit, partons sur un goût orange-mandarine avec un thé blanc du Japon. C’est un exemple, mon but est de faire de la chocolaterie-pralinerie-confiserie. Ce serait dommage d’avoir ce titre et de partir sur de la pâtisserie, des glaces ou autre. La tendance actuelle, c’est la chocolaterie.
(1) Une fleur jaune et noire, en portion, contenant un croustillant spéculoos, un biscuit chocolat, une crème légère passion-mangue, une ganache chocolat, de fines feuilles de chocolat noir et dessus un coulis quatre fleurs : vanille, passion, banane, mangue.
À lire également : Un Everest de chocolat à gravir
Vincent Vallée sacré Meilleur chocolatier au monde