Fraises Marubia : 50 nuances de rouge aux portes de Bayonne (17/05/2017)
Charlotte, Gariguette ou Mara des bois poussent aux portes de Bayonne © photos J.M.
[Grand Format ] Saviez-vous qu'au Pays basque on peut consommer de la fraise locale ? C'est le défi que relève, chaque année, la famille Laporte, maraîchers installés à Bayonne et à Tarnos
Rondes, allongées, acidulées ou douces, plus ou moins charnues mais toujours rouges surmontées d'un beau pédoncule vert, les fraises sont la promesse de desserts sucrés annonçant les beaux jours.
Dans leurs barquettes cartonnées, les gariguettes, maras des bois et autres charlottes proposées par le maraîcher Pierre Laporte, dont la ferme Dache Dise est implantée aux portes de Bayonne, prouvent chaque semaine au consommateur qu'on peut aussi manger de la fraise locale au Pays basque. Face à la fraise de Dordogne ou du Lot-et-Garonne, les Laporte (1) tirent leur épingle du jeu en proposant plusieurs tonnes de fruits rouges produits localement, chaque année.
La famille Laporte a pris le tournant de la fraise dans les années 90 ©photo J.M.
Dans cette famille, on est agriculteurs à Bayonne depuis trois générations, leur installation datant de 1927, au chemin de Hargous. D'une culture maraîchère classique dans un premier temps, elle s'est spécialisée dans la fraise au tournant des années 90. « Mes beaux-parents avaient une ferme où ils cultivaient les légumes. Jacques et André ont repris la suite. En 1993, la production a basculé, donnant la priorité aux fruits rouges tout en continuant le maraîchage. On a commencé par de la fraise pleine terre puis les tables sont arrivées. Nous avons été conseillés par notre technicien, Hervé Henry, avant de se lancer. On pensait qu'il y avait un marché pour la fraise sur la Côte basque. Il y a peu de maraîchers qui font encore de la fraise en quantité, mis à part un couple à Mendionde », raconte Clotilde, l'épouse d'André Laporte, qui travaille en GAEC avec son beau-frère et sa belle soeur, Nicole et Jacques Laporte.
Pierre Laporte s'est installé en mai 2015, à Tarnos © photo J.M.
Pierre, 25 ans, s'est lancé dans l'agriculture péri-urbaine, le 1er mai 2015, non loin de l'exploitation de ses parents, mais à Tarnos, tout près de la ferme de sa grand-mère. La fraise était une évidence pour lui. « Je suis dedans depuis que je suis tout petit, plaisante-t-il. C'est chouette à produire. Tous les jours, on passe dans les rangs et ça change tout au long de l'année. La fraise est un fruit complet et complexe.»
Une clientèle locale
Sur son exploitation de 2,8 hectares dont 7000 m2 de serres, il produit 13 tonnes de fraises en saison dont 7 tonnes de gariguettes, le reste se répartissant entre maras des bois et charlottes. « Il manque de la fraise, il y a une vraie demande des clients, explique-t-il. 75% de mon chiffre d'affaires est assuré par les fraises. Ce sont des ventes directes à la ferme, auprès de primeurs du BAB (Bayonne-Anglet-Biarritz, NDLR), la grande distribution, certaines épiceries fines et quelques restaurants comme celui de Fabrice Idiart, à Saint-Jean-de-Luz (2). On écoule toute la production localement.»
Même choix de la proximité pour le GAEC Laporte qui vend ses gariguettes, maras des bois, charlottes et fraises des bois sur les marchés du BAB, chez quelques primeurs et bien sûr à la ferme. Ils fournissent également quelques tables locales et pâtisseries comme Mokofin à Bayonne ou le Miramar à Biarritz. « Nous avons fait le choix de ne pas travailler avec les grossistes, précise, pour sa part, Clotilde Laporte. Nous privilégions les circuits courts. La plupart des fraises françaises que vous trouvez arrivent de Dordogne ou du Lot-et-Garonne et ont dû faire le trajet, alors que nous, les fruits ont été ramassés la veille ou le matin. Les clients ne s'y trompent pas.»
Un argument repris également par Pierre Laporte qui constate, lui aussi, l'engouement du public pour les productions locales : « Le samedi matin, il y a un vrai boom des ventes. Le bouche à oreille fonctionne bien. On mise sur la fraîcheur des produits, détaille-t-il. Dans nos barquettes, les fruits n'ont pas de marques, ils ont du goût parce qu'ils n'ont pas été ramassés trop tôt. »
Des ventes à la ferme ont lieu deux fois par semaine ©photo J.M.
Derrière son étal de fruits rouges, installé devant ses serres visibles depuis le bord de la route départementale, le maraîcher détaille les différentes variétés qui rythment ses trimestres et confesse une préférence pour la charlotte : «Actuellement, la saison de la gariguette est presque finie. On va passer à la charlotte. C'est un fruit plus stable sur l'année, plus charnu, qui a une belle couleur. Si on ne l'arrêtait pas, on aurait de la charlotte jusqu'en décembre. La maras, c'est plus aléatoire en rendement et en taille. »
Marubia signifie fraise en basque © photo J.M.
Toutes les fraises des Laporte se retrouvent sous l'appellation Marubia, qui signifie fraise en basque. Une marque créée à l'époque pour « identifier la fraise du Pays basque » au milieu des autres productions. « Nous avions fait une formation sur les produits et les marques, se souvient Clotilde Laporte. Nous voulions nous démarquer, être plus visibles avec une barquette en carton et un logo reconnaissable.» En toute logique, Pierre Laporte a lui aussi poursuivi avec ce logo Marubia que l'on retrouve sur ses barquettes au packaging identifiable par un tracteur et des fruits et légumes.
Des mûres l'an prochain
Dans quelques jours, aux côtés des fraises, les framboises de l'exploitation vont également faire leur apparition. « Dans la lignée de [s]es parents », Pierre Laporte cultive des framboises mais exclusivement de la «précoce, jusqu'au 10 juillet.» En écho à la tradition maraîchère familiale, il fait également pousser des tomates, des piments doux, des courgettes, des radis et d'autres légumes de saison.
S'il n'est pas en agriculture biologique, il mise sur la lutte biologique intégrée et limite le recours aux produits phytosanitaires. Son exploitation compte deux salariés mais emploie jusqu'à 12 personnes l'été. Un vrai défi à l'heure où il reste moins de dix maraîchers sur le BAB alors qu'ils étaient autour de 90 dans les années 60.
Pierre Laporte fait également pousser des tomates © photo J.M.
« On est sur la bonne voie, résume le jeune chef d'exploitation, une casquette sur la tête et son smartphone dans la poche, remontant les allées où les plants de fraises suspendus succèdent aux pieds de tomates et piments, bien ancrés dans le sol. Les objectifs sont d'arriver à 20 tonnes de fraises et 2 tonnes de framboises. J'aimerais faire de la mûre aussi l'an prochain. Le but est de développer l'activité en fraises avec cette qualité et de rester sur une diffusion locale, sur une zone allant de Capbreton à Saint-Sébastien, tout en gardant une activité légumes pour la vente directe. »
Un programme ambitieux pour ce vingtenaire qui ne s'en laisse pas compter. Normal, le nom de sa ferme, Dache Dise, signifie « Laisse dire » en gascon.
1.Pierre Laporte, ferme Dache Dise, 2320 rue des Barthes, 40220 Tarnos. Vente directe à la ferme en saison les mardi et jeudi de 15 heures à 19h30 et le samedi de 9 heures à 12 heures.
GAEC Laporte, 96 chemin de Hargous, 64100 Bayonne. Vente directe à la ferme mardi et vendredi de 16 heures à 19h30. Présents aux marchés devant les halles de Bayonne, aux halles de Biarritz et au marché Quintaou d'Anglet.
2. La fraise marubia de Pierre Laporte est évoquée dans le livre « Cuisinez le marché » à Saint-Jean-de-Luz, publié l'an passé, par le chef Fabrice Idiart, aux éditions Sud Ouest.
10:02 | Tags : fraises, marubia, bayonne, charlotte, mara, gariguettes, bab, idiart, laporte, tarnos | Lien permanent