Dans le sillon des chocolatiers basques (31/03/2016)
Christophe et Valérie Puyodebat dans l'entrée de leur musée © J.M.
Christophe et Valérie Puyodebat prolongent la tradition chocolatière dans le Pays basque intérieur avec leur atelier et musée du chocolat implantés à Cambo. Un livre revient sur cette aventure
Il l’appelle « l’or noir ». Où comment une petite fève légère en provenance d’Amérique du Sud a influencé la vie de Christophe Puyodebat et son épouse Valérie. Seize ans après avoir ouvert sa première boutique à Bayonne, le chocolatier, installé à Cambo-les-Bains, publie « Au nom du chocolat ! », un livre atypique mêlant parcours personnel, histoire du chocolat à Cambo, recettes ou encore suggestions de chefs ou producteurs.
Pour ce passionné de chocolat, intarissable sur le sujet, ce livre qui a nécessité une année de préparation était une « pièce complémentaire » entre son travail d’artisan et son musée du chocolat. « Les gens qui venaient faire les visites me disaient de faire ce livre, que c’était dommage qu’il n’y ait rien. J’y pensais mais j’avais plein de choses à dire », sourit-il.
Avec l’aide de l’ethnologue Florence Barucq, Christophe Puyodebat fait le tri dans ce qu’il veut transmettre et Gilles Lescure se charge des photos : ce sera le musée et le patrimoine chocolatier de Cambo-les-Bains, mais aussi son parcours d’artisan et toutes ces rencontres qui lui ont permis d’avancer.
« Je voulais donner des recettes basiques et faciles à réaliser à la maison, à la portée de tous. Je voulais aussi que mes enfants participent. Chacun a donné sa recette. Puis j’ai demandé à des amis cuisiniers, des producteurs… Je souhaitais les mettre en avant dans ce livre tout comme mon équipe. Ça fait quinze ans que j’ai la même équipe de 12 salariés. C’était une manière de les remercier aussi », énumère ce natif des Hautes-Pyrénées, arrivé en apprentissage à 16 ans, à Bayonne, et qui n’est jamais reparti du Pays basque.
Les collections du musée changent deux fois par an © photo DR
Pièces de plus de 100 ans
« Il faut être passionné et je ne sais pas si j’aurais pu faire tout cela sans passion », confie Christophe Puyodebat à l’entrée de son musée du chocolat. Le lieu a ouvert en 2009 à Cambo, puisque Bayonne n’en a pas voulu à l’époque. Dans ce bâtiment de 950 m2, l’artisan chocolatier s’attache à rappeler les liens entre le patrimoine local et le chocolat et milite pour que l’on parle de « chocolat basque » plutôt que bayonnais.
« On a tendance à oublier qu’il y avait une grande histoire, dans l’intérieur du Pays basque, autour du chocolat. Les plus grosses fabriques de chocolat étaient ici, note-t-il. Notamment Fagalde et Noblia, à Cambo. C’était très important pour moi de réaliser cette photo (dans le livre, NDLR) avec Marie-Christine Genay-Fagalde et Claire Noblia parce que cela fait partie du patrimoine local. J’aurais aimé que l’on enregistre ce passé. Beaucoup de ces gens ont disparu et c’est dommage pour la mémoire locale et l’histoire de cette tradition.»
En tant que grand collectionneur privé, Christophe Puyodebat est toujours en quête d’outils et de pièces témoignant de ce passé chocolatier. Dans son musée, toutes les machines ont plus de 100 ans et sont d’origine. De la pierre à chocolat en passant par la broyeuse à table tournante, tout un passé industriel souvent insoupçonné s’étale sous les yeux du visiteur. « Nous sommes dans une démarche de classement pour les machines avec la mairie de Cambo », poursuit le chocolatier qui a également récupéré une machine à pastilles et envisage de créer une pastille avec l’eau thermale de Cambo.
400 chocolatières et autres services pour boire le breuvage sont présentés © photo DR
Eduquer les palais
Moules argentés, boîtes de chocolats richement décorées, photos, emballages, publicités, les trésors glanés par Christophe Puyodebat au fil des années sont si nombreux que les collections du musée tournent deux fois par an. Sans parler des 400 chocolatières exposées et des nombreuses tasses à moustaches utilisées autrefois pour déguster le breuvage.
« Il faut se souvenir que le chocolat n’était que bu à l’eau ou râpé à l’époque. Le chocolat n’a été vu comme un bonbon que beaucoup plus tard », rappelle l’artisan qui met un point d’honneur à commenter lui-même les visites dès que son emploi du temps lui permet. Car la transmission est « fondamentale » : « J’ai beaucoup de respect pour ces gens qui ont travaillé avec d’autres conditions que les nôtres et qui ont porté ce savoir-faire », insiste Christophe Puyodebat, qui veille désormais sur cet héritage local.
A son tour, le chocolatier accorde un grand soin au choix de ses producteurs de cacao pour proposer des produits de qualité. Si l’Amérique du Sud a sa préférence, son gros coup de cœur reste le Brésil. Dans son musée comme dans son livre, il dévoile les secrets de fabrication de son « or noir » et rappelle qu’un bon chocolat est sans lécithine de soja ni arôme ajouté.
« Il faut éduquer le palais des enfants et des adultes. Leur faire découvrir le vrai goût d’un chocolat », poursuit celui qui a accompli une partie de son apprentissage dans les cuisines de Matignon, à l’époque de Lionel Jospin.
Christophe Puyodebat choisit avec soin ses cacaos © photo DR
Sans être issus d’une famille de chocolatier, Valérie et Christophe Puyodebat ont réussi à s’imposer aujourd’hui dans le paysage des chocolatiers du Pays basque avec une production de 30 tonnes de chocolat par an, déclinée du bonbon à la tablette en passant par les créations originales de sujets pour Pâques ou Noël.
« Ça n’a pas toujours été facile mais on a réussi à développer notre affaire comme on le voulait. Nous avons gagné un respect, sans dénigrer les autres. Si on travaille en bonne intelligence, il y a de la place pour tout le monde », résume Christophe Puyodebat.
Avec le livre « Au nom du chocolat ! », l’artisan bâtit des ponts entre sa boutique originelle de Bayonne et son atelier de Cambo pour tracer le sillon d’une histoire du chocolat basque.
Un sillon qui va lui faire traverser l’océan prochainement puisque Christophe Puyodebat s’apprête à ouvrir en 2017 un atelier-boutique à Rio : « Ce serait un juste retour des choses », savoure-t-il.
« Au nom du chocolat ! », textes de Florence Barucq et photographies de Gilles Lescure, Artza Editions, 20 euros.
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