Bayonne : les secrets chocolatés de la maison Cazenave (13/05/2015)
Le chocolat moussé à la main est LA spécialité du salon de thé de la chocolaterie Cazenave © J. M.
[ Reportage Grand Format ] Présente depuis 1854 à Bayonne, la chocolaterie Cazenave n'en finit pas de ravir les gourmands avec ses spécialités de cacao. Mais c'est sans conteste son chocolat chaud moussé à la main, servi dans son salon de thé qui reste le plus demandé. A l'occasion des Journées du chocolat, le 15 et 16 mai à Bayonne, " Mon Sud-Ouest à croquer" lève le voile sur cette spécialité
Assis à l’une des tables du salon de thé Cazenave, sous les vitraux signés Mauméjan, le temps semble avoir lui aussi pris une pause au 19 de la rue Port Neuf, à Bayonne. Ici, le service de porcelaine aux fleurs roses est aussi unique que le chocolat produit par la maison depuis 1854. À toute heure, on vient déguster l’une des spécialités qui a fait sa réputation : le chocolat au lait moussé à la main, accompagné de ses toasts et de son petit pot de crème. La recette et la méthode n’ont pas changé depuis le début du XXe siècle, quand Geneviève Biraben, dont le mari était chocolatier, décida de fonder ce salon de thé.
« C’était une dame très inventive, d’avant-garde. Elle avait été à Paris et avait trouvé très chics ces salons de thé. Elle a donc décidé d’en créer un à Bayonne. Ce qui était très innovant ; il fallait oser à l’époque », raconte Marie-Claude Maudet, associée à son frère Pantxoa Bimboire et son épouse Maguy, à la gestion de la chocolaterie Cazenave.
Le chocolat moussé est servi avec de la crème et un supplément de chocolat chaud dans une vaisselle
de porcelaine dessinée exclusivement pour la maison Cazenave © J. M.
Une histoire de famille
Vitraux, mobilier, vaisselle raffinée Haviland commandée à Limoges, Geneviève Biraben a tout choisi avec soin pour accueillir à cette époque les personnes en villégiature au Pays basque et qui ne manquaient pas de venir boire une tasse de chocolat moussé chez Cazenave. « Le chocolat moussé est très emblématique d’ici. Comme son mari était chocolatier, elle a eu l’idée de proposer du chocolat chaud dans son salon de thé. L’originalité, c’est qu’il était moussé à la main et cela a perduré », poursuit-elle. Et si un siècle plus tard, on consomme toujours cette boisson, à Bayonne, c’est grâce à la famille de Marie-Claude Maudet, les Bimboire : « Ma grand-mère était l’une des employées du salon de thé. Geneviève Biraben n’avait pas d’enfant et quand elle a voulu vendre la chocolaterie, elle l’a proposée à ma grand-mère. Elle a eu envie qu’elle continue le travail. »
Aujourd’hui, la vaisselle Haviland d’époque est exposée dans les vitrines, mais c’est toujours un service de porcelaine blanche avec des roses – un décor protégé pour la maison Cazenave - qui recueille les breuvages proposés par l’établissement et notamment le fameux chocolat moussé à la main.
Marie-Claude Maudet présente un moussoir en buis, élément indispensable au salon de thé © J. M.
Émulsionné avec un moussoir de buis
Devant le dôme aérien de mousse chocolatée, combien se sont demandés par quel tour de passe-passe, leur chocolat chaud pouvait-il monter comme un soufflé dans un four ? Pourtant, il n’y a pas de magie derrière cela, mais de la technique et un ustensile indispensable : un moussoir en buis.
« Le chocolat moussé est réalisé à partir d’une plaque de notre chocolat noir à la vanille. On le fait fondre avec du lait dans un chaudron et on mousse cela avec un moussoir en buis. On frotte entre les mains et on émulsionne », détaille Marie-Claude Maudet, joignant le geste à la parole, comme si elle frictionnait un morceau de bois pour réaliser un feu.
« Ensuite, on ramasse la mousse avec une louche. On la met dans une tasse vide puis on verse par-dessus le chocolat chaud et par effet, la mousse remonte, ajoute-t-elle. Chaque tasse est réalisée une par une. On ne peut pas le faire à l’avance, ni en bouteille, pour le verser au fur et à mesure. D’où un service un peu long parfois. »
Ce chocolat, fort en arôme en bouche, est souvent servi avec un petit pot de crème chantilly et se déguste accompagné de toasts beurrés. Des toasts à la mie très aérée qui proviennent d’une brioche réalisée en exclusivité pour la maison Cazenave. Impossible de la retrouver dans une boulangerie. La recette date de l’ouverture du salon de thé et l’artisan qui la réalise en garde le secret.
Les toasts servis avec le chocolat sont issus de cette brioche fabriquée exclusivement pour le salon de thé © J. M.
Quant à la dégustation du breuvage, « chacun fait comme il veut ». Il y a ceux qui mangent la mousse à la petite cuillère pour éviter de s’en mettre plein les babines, ceux qui trempent la chantilly voire les toasts dans le chocolat ou encore ceux qui dégustent la crème avec le fond de la tasse avant de verser le supplément de chocolat chaud par-dessus. L’essentiel étant de se faire plaisir.
Autre spécialité, un peu moins connue du grand public, mais également propre à la maison Cazenave, le chocolat à l’eau. Un chocolat plus épais, servi dans de plus petites tasses, très différent du chocolat moussé et qui tendrait à se rapprocher d’un dessert.
« On utilise les plaques de chocolat noir vanille ou noir à la cannelle et de l’eau. Que de l’eau. On fait fondre le chocolat et on l’épaissit. L’évaporation de l’eau fait qu’à un moment, il a juste la bonne épaisseur et on le sert dans les petites tasses. C’est délicieux. Les gens qui le connaissent en redemandent », confie Marie-Claude Maudet, qui personnellement préfère cette boisson au chocolat au lait moussé.
Le chocolatier propose dans sa boutique également différents types de chocolats et des tablettes numérotées © J. M.
Du chocolat noir numéroté
Mais le point commun de ces subtiles boissons chaudes qu’on n’avale pas comme un café au coin du zinc, c’est leur matière première : le chocolat estampillé Cazenave, comme la signature en lettres cursives qui barre les différentes plaques à déguster ou les coffrets aux couleurs poudrées qui accueillent les bonbons et autres spécialités.
« Nous fabriquons notre chocolat, ici, à Bayonne (l’atelier se situe rue Monréjau et se visite uniquement pendant les Journées du chocolat, NDLR). C’est un assemblage de trois fèves en provenance du Pérou, du Vénézuela et de Trinidad. C’est un cacao assez différent, avec une typicité particulière. Comme pour les vins, nous réalisons un assemblage » développe Marie-Claude Maudet.
Dans le respect de la tradition bayonnaise, la chocolaterie Cazenave produit plus de chocolat noir que de chocolat au lait. Les tablettes de chocolat à croquer, les plus petites, se déclinent en couleur et de 1 à 12, entre du lait noisettes, noir orange, noir amandes ou encore pur cacao pour la numéro 6.
Les grosses plaques de 250 gr sont plutôt dédiées à la réalisation des chocolats chauds ou à la cuisine. La n° 19 étant la plus emblématique puisque c’est celle qui entre dans la composition du chocolat moussé. Pour l’anecdote, la n° 19 est un clin d’œil au n° 19 de Chanel, un parfum créé pour l’anniversaire de Coco Chanel mais aussi au n° 19 de la rue Port Neuf, lieu du salon de thé mais aussi adresse historique où Pierre-Martin Cazenave déplaça en 1864 la chocolaterie.
Des bonbons à base de chocolat, des kanouga, des caramels, du touron ou encore d’autres spécialités sont également proposés par la maison Cazenave dans ses vitrines derrière les comptoirs de bois.
Glaces et livre d’or
Et pour ceux qui voudraient pousser la découverte un peu plus loin, le salon de thé Cazenave propose également une gamme de thés ou des glaces faites maison. « Nous n’avons pas beaucoup de choix parce que les glaces sont fabriquées de manière artisanale. Tous les ingrédients sont authentiques : des œufs frais, de la vraie vanille, le chocolat, c’est le nôtre, du lait de ferme… On les fait tous les jours ou tous les deux jours. L’été, on propose également des sorbets fraises et citron », complète Marie-Claude Maudet qui reconnaît que « quand on a une spécialité, on est identifié pour cela mais c’est bien de proposer autre chose aussi ».
Si l’éventail des propositions est large à la chocolaterie Cazenave, c’est bien le chocolat chaud qui rafle, depuis toujours les compliments des clients. En témoigne le livre d’or de la maison et les petits mots laissés par David Lodge, Juliette Binoche ou Jean-Paul Gauthier, qui aujourd’hui succèdent à la duchesse de Windsor, au roi du Maroc ou encore aux grands matadors, aux tables du 19 rue Port-Neuf, dans un salon de thé quasi centenaire.
L'une des pages du livre d'or de la maison avec des dédicaces de Juliette Binoche et Jean-Paul Gauthier © J. M.
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